2020 a été une année difficile pour les acteurs de la sécurité maritime en Asie du Sud-Est. Alors que la COVID-19 plongeait les pays de la région dans une situation économique désespérée, le nombre de cas de piraterie et de vols à main armée en mer dans le détroit de Singapour atteingnait son plus haut niveau depuis cinq ans avec 34 incidents. Il s’agit de l’ensemble des cas survenus dans les eaux asiatiques au cours de l’année. EN SAVOIR PLUS
Comme l’a souligné le directeur général du Centre d’échange d’informations (ISC) du ReCAAP, Masafumi Kuroki, lors du 12e Forum nautique le 15 janvier 2021, il y a eu une augmentation significative des «incidents réels» liés à la piraterie l’année dernière (+17% par rapport à 2019). L’aspect le plus inquiétant de cette évolution est que les incidents ont augmenté dans divers endroits tels que le Bangladesh, l’Inde, les Philippines, le Vietnam, la mer de Chine méridionale et le détroit de Singapour. L’éventail de ces lieux reflète la dimension régionale du problème.
La COVID-19 continue d’illustrer les nombreuses façons dont une crise sanitaire mondiale est capable de perturber les cadres sociaux et économiques ; l’environnement maritime de l’Asie du Sud-Est ne fait pas exception à la règle. La crise économique provoquée par la pandémie et à laquelle les pays d’Asie du Sud-Est sont actuellement confrontés a créé des conditions propices à l’augmentation des cas de piraterie et de vol en mer. La contraction économique conduit à des taux de chômage élevés, ce qui oblige les habitants des communautés côtières à se tourner vers la criminalité pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Par ailleurs, alors que les États ajustent leurs budgets pour compenser la crise sanitaire, les acteurs non étatiques intensifient la violence sur terre. Cette recrudescence de violence fait tâche d’huile jusque dans le domaine maritime.
Au-delà des causes responsables de l’intensification de la criminalité, on a constaté une augmentation parallèle des facteurs favorisant la piraterie. Les gouvernements régionaux se voient forcés de dépenser des sommes considérables pour lutter contre la COVID-19, car les fonds qui étaient déjà alloués à différents secteurs ont été réorientés pour soutenir les économies en difficulté. Par conséquent, les organismes gouvernementaux chargés du maintien de l’ordre, tels que les marines et les garde-côtes, fonctionnent avec des fonds réduits. Cette situation rend très difficile la réalisation des patrouilles de routine dans leurs ports et leurs eaux territoriales, où se produisent la plupart des attaques. En outre, un grand nombre de navires à quai, immobilisés en raison de la baisse de la demande de transport maritime, constituent des cibles faciles et attrayantes pour les criminels de la mer. Ces navires deviennent de plus en plus vulnérables à mesure que les compagnies maritimes réduisent les effectifs des équipages et les mesures de sécurité. Le prolongement des heures de travail du personnel à bord des navires, dû aux problèmes actuels de rotation des membres d’équipage, provoque de la fatigue et peut entraîner une baisse de la vigilance.
La pandémie a renforcé l’importance du transport maritime pour le commerce mondial, et la recrudescence des actes de piraterie et des vols à main armée en mer au cours de l’année passée viennent rappeler brutalement qu’il faut agir davantage pour renforcer la sécurité du transport maritime. L’océan Indien, la mer de Chine méridionale et la mer de Chine orientale sont des voies de transit essentielles dans l’architecture économique mondiale. Huit des dix ports à conteneurs les plus actifs de la planète se trouvent en Asie du Sud et du Sud-Est ; les deux tiers des cargaisons mondiales de pétrole traversent l’océan Indien pour se rendre dans le Pacifique et près de 30 % du commerce maritime mondial transite par la mer de Chine méridionale. En 2018, la valeur des échanges commerciaux entre l’UE et l’Asie a atteint 1 400 milliards d’euros et la moitié du volume de ces échanges a transité par l’océan Indien et l’Asie du Sud-Est.
L’intérêt croissant de l’Europe pour la région a encouragé l’Union européenne à participer plus activement dans les activités assurant la fluidité des échanges et la sécurisation des lignes de communication maritimes (SLOC). En effet, le Plan d’action UE-ASEAN actuel réaffirme l’importance d’une coopération renforcée sur les questions de sécurité maritime, telles que la lutte contre la piraterie maritime et les vols à main armée à l’encontre des navires, et encourage la coopération pour traiter de manière globale les questions liées au transport maritime.
La promotion de l’échange d’informations et de la coopération entre les différents acteurs reste plus que jamais nécessaire pour garantir la sécurité et la liberté du commerce maritime. Le détroit de Singapour, la zone la plus touchée par l’augmentation de la piraterie en 2020, est une zone composée des eaux territoriales de Singapour, de l’Indonésie et de la Malaisie. Ce corridor est un exemple éloquent de la nécessité d’établir des mécanismes de coordination internationale efficaces pour lutter contre les menaces transnationales à la sécurité maritime.
L’une des composantes clés du projet CRIMARIO II est l’amélioration de la coopération entre les agences, tant au niveau national qu’international. Ainsi, CRIMARIO II s’étend désormais à l’Asie du Sud-Est dans l’espoir d’accroître la coopération et de contribuer à la stabilité maritime dans la région.
Les opinions exprimées dans le présent article sont celles de l’auteur et ne coïncident pas nécessairement avec les vues ou les politiques de l’Union européenne ou de ses membres.
Photos de: The Online Citizen